

Depuis le mois de novembre 2021, le mouvement rebelle du 23 mars (M23) a relancé le cycle de guerre à l’Est de la République démocratique du Congo. La dernière s’est terminée il y a à peine dix ans. Des morts et des déplacés se font encore enregistrés comme ce fut le cas en 2012. C’est aujourd’hui un nouveau conflit de personnalités mais aussi une guerre politique et économique.
Pourquoi cette guerre à l’Est de la RDC ?
Le déclencheur officiel de cette nouvelle guerre est la formation d’un groupe de rebelles, le M23. Une force armée qui mène des combats à l’est de la République Démocratique du Congo, est composée des Congolais en majorité tutsis appuyés par le Rwanda selon un rapport officiel des experts de l’ONU.
Ces Tutsis revendiquent la nationalité congolaise qu’ils obtiennent sous la présidence de Mobutu en 1972. En dépit de cela, certains restent attachés à leur origine ethnique et ne s’assimilent pas réellement au pays.
Les revendications du M23
Depuis 2009, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe armé devenu parti politique, est un allié de la majorité présidentielle. Ils travaillent ensemble dans le cadre de la recherche de la paix face à l’insécurité qui règne encore dans l’Est du pays.
Le 23 mars 2009, le CNDP et Joseph Kabila, Président élu depuis 2006, signent des accords à Goma. Le chef de l’Etat s’est engage alors à intégrer les rebelles dans l’armée régulière, à reconnaître leur grade et à intégrer le CNDP dans le gouvernement. Après la reconduction du mandat de Kabila en novembre 2012, le CNDP dénonce « le non-respect des accords » pris.
C’est alors de ce nouveau parti politique qu’émane le M23 une faction armée qui souhaite voir les engagements pris avec Joseph Kabila, respectés. C’est le début d’une nouvelle guerre en RDC. Contrairement en 2009, le CNDP était incorporé dans les forces loyalistes.

La première revendication du M23 est donc le respect des accords du 23 mars. Aux côtés de cette demande, « le retour des réfugiés Tutsis qui sont au Rwanda et en Tanzanie », mais également « la protection du peuple Tutsi contre le FDLR (groupe armé Hutu qui menace les Tutsis) ». Cependant, la population craint que les rebelles souhaitent l’annexion du Kivu et d’une partie des régions d’alentour pour créer le « Tutsiland », une terre qui sera réservée aux Tutsis.
Alors qu’ils ont été neutralisés en 2013, les rebelles du M23 se réorganisent et surgissent en novembre 2021 à Bunagana dans le territoire de Rutshuru, ils revendiquent après toutes ces années le respect des accords signés avec le président à l’époque Joseph Kabila Kabange, cela après le changement de régime.
Le Rwanda promoteur de cette guerre
L’ONU a dans son rapport du août 2022, confirmé le soutien du Rwanda au M23 est soutenu principalement par le gouvernement rwandais et plus minoritairement ougandais.
« A plusieurs reprises des images aériennes ont montré des grandes colonnes comportant jusqu’à cinq-cents (500) hommes armés à proximité des frontières de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda se déplaçant de manière très organisée et portant une tenue et un équipement militaire scandalisés (uniformes, casques très similaires à ces des RDF)…, » avons-nous lu dans ce rapport des experts des nations unies.
Kigali qui aurait des intérêts dans cette guerre, notamment le trafic des minerais dont la cassitérite. Un minerai trop rare et nécessaire dans la fabrication de téléphones portables. La guerre faciliterait aussi pour le pays voisin de la RDC le passage de toutes sortes de marchandises comme le bétail, selon le rapport de l’ONU de Novembre 2012, qui avait à l’époque reconnu une part de responsabilité de ces pays.
Le Nord de cette province, où sont vécus les affrontements entre FARDC et M23, est riche économiquement. Elle dispose de grandes ressources minières notamment l’or, la cassitérite et le pétrole. Cette région est aussi riche en gaz méthane ( CH4) présent naturellement dans le lac Kivu. La terre de cette partie, est fertile ce qui la donne plus de valeur vu sa richesse agricole.
Localisation géographique des positions du M23
Ces derniers temps, la milice du M23 est positionnée dans plusieurs entités du territoire de Rutshuru, qu’elle contrôle d’ailleurs depuis plus de deux mois. Il s’agit essentiellement d’une partie du groupement Jomba, avec la ville frontalière stratégique de Bunagana, plus de septante (70) pourcents du groupement Bweza, et une partie du groupement Kisigari, occupée par le M23 sous l’œil des autorités du pays.
Le territoire de Rutshuru, est à septante (70) kilomètres de Goma la capitale du Nord-Kivu, au Nord-Est.
Parmi les groupes clairement présentés, il y a les Maï-Maï qui comptent lui-même plusieurs factions en son sein. A l’origine, ce sont des autochtones qui se battent pour la défense de leur terre. Mais dans un Etat de droit qui dispose d’une armée officielle, Kinshasa ne peut pas accepter de telles forces.
Parmi ces groupes on retient aussi les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des rebelles rwandais hutus basés à l’est du Congo depuis 1994. Aujourd’hui, ils sont régulièrement responsables d’atrocités principalement en RDC.
Ces différents groupes armés selon l’ONU et les ONG n’hésitent pas à mutiler, à tuer, à violer et à enrôler les enfants et les jeunes dans leurs bandes armées.
Cette guerre profite aux multinationales ?
Les plus concernés économiquement dans cette guerre internationale seraient les multinationales. Le documentaire « Blood in the Mobile », dénonce le cercle vicieux dans lequel sont impliquées les grosses firmes. Le réalisateur, Frank Piasecki Poulsen, s’est intéressé au cas de Nokia qui a de gros intérêts dans les mines de cassitérite à Walikale. Il n’a pu trouver de preuves concrètes de l’implication de la firme internationale cependant de lourds soupçons pèsent sur elle.

Ce même document note que « les entreprises profitent en général de l’instabilité pour acheter les minerais à bas prix. Minerais qu’ils utilisent dans la fabrication de leurs téléphones par exemple ». Des bénéfices tirés, les observateurs supposent qu’une partie est réinvestie dans l’armement pour soutenir l’instabilité dans la région.
La population première victime
Au-delà des morts, sont des milliers de civils qui se déplaces vers plusieurs entités et du territoire congolais et vers les pays voisins cités d’êtres en mèche avec le M23 dans le Rutshuru. Dans leurs sites de cantonnement. En juin 2022, UNOCHA a dénombré au moins cent-cinquante huit-milles (158 000) déplacés dans le territoire de Nyiragongo venus du territoire de Rutshuru.
Plusieurs autres, se réfugient au jour le jour dans les camps de Rwanjama et Nakivare en Ouganda. Ils viennent des groupements Jomba, Bweza, Busanza et Kisigari dans le territoire de Rutshuru. La guerre a affecté aussi l’économie locale. Le prix des denrées alimentaires a doublé. Rutshuru, une région agricole, ne fournit plus de céréales à cause des combats sur le territoire et du départ des agriculteurs.

Les prix augmentent du fait du manque mais aussi de la taxation des différents produits par l’armée et les autorités en transit. Les habitants de l’est sont aussi touchés par un chômage massif. Ces différents éléments exacerbent la pauvreté globale des populations.
Cependant les autorités congolaises, jusqu’au président de la république Félix Antoine Tshisekedi, accusent le Rwanda de soutenir les rebelles, comme fut le cas il y’a dix ans. Kigali de son côté rejette ces accusation. L’inefficacité de l’armée nationale de la RDC, minée par la gabegie, est régulièrement dénoncée dans les rapports du groupe d’experts des Nations Unies.
Aujourd’hui la fin de l’instabilité dans un temps court en RDC paraît compliquée tant les implications sont grandes. Le début du retour au calme devra certainement passer par une politique volontariste de la part de l’Etat congolais et de la population.
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