
En janvier 2019, la République démocratique du Congo a connu sa toute première passation de pouvoir. Joseph Kabila, le dirigeant vétéran qui avait gouverné la RDC pendant 18 ans, cédait ses fonctions au nouveau président élu Félix Tshisekedi.
Il y avait lieu de s’en réjouir car les Congolais semblaient désireux de tourner le chapitre de Kabila une fois pour toutes.
Félix Tshisekedi s’est chargé de répondre à ces attentes élevées de ses compatriotes, aussi irréalistes soient-elles pour certaines d’entre elles.
Tshisekedi qui quelques années plus tôt, reprenait le flambeau du parti UDPS(Union pour la Démocratie et le Progrès Social) de son père Étienne Tshisekedi, savait ce que les Congolais recherchaient. Mais il est douteux qu’il ait compris que les accomplir était aussi colossal que les 12 Travaux d’Hercule.
Félix en démocrate assidu ne s’impose jamais. il négocie. Il négocie tout et toujours ! Cette qualité tant appréciée en diplomatie, n’est pas toujours la meilleure approche pour un chef d’Etat dans un pays qui réclame la restauration de l’autorité de l’Etat.
M. Tshisekedi est un pacificateur par nature, il évite les conflits, il fait confiance aveuglément et est connu pour être toujours prêt à faire des concessions aussitôt que cela peut aider à trouver des solutions. Aussi attrayants que puissent être ces traits, il est certain qu’ils conviennent davantage à un cardinal romain catholique aspirant à être pape. En lieu d’un président en exercice dans un pays aussi instable qu’est le Congo
En politique, il est impossible de plaire à tout le monde, et toute tentative en ce sens n’engendre que de la frustration et des conflits aggravés.
La politique congolaise est une bête différente, toute prétention à l’apprivoiser conduirait inévitablement à l’embarras, et donc au discrédit de son initiateur.
Tshisekedi a pris ses fonctions de président du congo dans une atmosphère de désespoir, d’évitement mondial des politiques congolaises, ajouté à cela, un contexte géopolitique chaotique.
Sa démarche initiale était de rouvrir la RDC au monde. Sous la bannière de la campagne « DRC is back », il a procédé à défaire rapidement toutes les politiques de son prédécesseur. De la réouverture de la maison schengen à Kinshasa à la tournée des pays occidentaux et leurs alliés, il a recherché le soutien de sa politique partout où il allait.
Cette initiative en soi est louable, cependant Félix qui au début de son mandat semblait un peu naïf ou devrais-je dire inexpérimenté en politique mondiale, a fait beaucoup de gaffes. La première erreur a été de penser que tout le monde avait un véritable intérêt à aider sa vision.
Non Monsieur Tshisekedi, il n’y a jamais d’amitié en politique, juste de l’intérêt. Vous ne vous faites pas d’amis, juste des alliés. Ces derniers peuvent être circonstanciels ou traditionnels, mais restent des alliés. Ni plus ni moins.
À mon avis, aussi importantes que soient les réformes, Tshisekedi aurait dû demander en retour des concessions à ses partenaires potentiels.
Par exemple, rouvrir la maison schengen par bonté de cœur était une bévue. Mais le faire en échange d’une promotion des intérêts congolais aurait eu plus de sens. Prenons par exemple la Turkiye, qui a délibérément bloqué l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Otan jusqu’à ce qu’elles obtiennent gain de cause dans ses intérêts. Erodgan, le president Turque se soucie moins de savoir quel pays rejoint l’alliance. Mais il s’est assuré que son gouvernement en tirerait quelque chose. C’est la dure réalité de la politique. Rien n’est gratuit.
Ce concept de rien pour rien n’a pas été bien compris par Tshisekedi au début. Et après presque un mandat, je dois dire, il a encore du mal à imiter.
Tshisekedi est allé jusqu’à concéder des revendications sans précédent à des pays qui, selon le rapport de l’ONU, sont les raisons de l’instabilité dans la région.
Son geste amical d’inviter le président rwandais Paul Kagame, n’a pas du tout plu aux Congolais, qui y ont vu l’ultime humiliation.
Nous ne sommes pas certain du gain acquis de cette campagne ou de toute autre entreprise de nature similaire.
Félix Tshisekedi, avait à nouveau usé de son influence nouvellement acquise pour réconcilier Paul Kagame et Yoweri Museveni. Les deux ont atteint une impasse des années avant l’accession au pouvoir de Félix. Ce dernier s’était montré habile à résoudre les différends ougandais-rwandais.
Mais cette initiative a été à mon avis l’une des plus grosses erreurs commises par Tshisekedi, une bévue stratégique. Cette décision s’est avérée être le catalyseur des conflits actuels dans l’est de la RD Congo.
Comment, en tant que leader compétant, conciliez-vous deux forces qui ont été accusées d’innombrables fois avec preuve, de déclencher l’instabilité dans votre arrière-cour ? Impensable n’est-ce pas ? Mais Tshisekedi a fait exactement cela, a-t-il vécu pour regretter sa bonne volonté ? Je l’espère.
Si j’avais été à sa place ou son conseiller, j’aurais probablement exploité cette tension pour renforcer mon système de défense. Afin de prévenir ou d’atténuer la récurrence des conflits armés et des insurgés venant des territoires voisins.
M. Tshisekedi est un homme bon, mais un homme bon ne vous mène nulle part dans l’arène politique, vous pouvez être bon mais vous devez être efficace. Il faut imposer une vision et veiller à ce qu’elle soit mise en œuvre.
Beaucoup soutiennent que Félix n’est pas bien entouré, cela pourrait être vrai car je suis enclin à penser la même chose. Cependant, le fardeau de choisir des collaborateurs lui incombe.
Malgré tous les handicaps du système politique qu’il a trouvé, Félix Tshisekedi a habilement réussi à mettre en place des réformes incroyables, aussi timides soient-elles. Il y a eu plusieurs petites victoires et pour cela tout le mérite lui revient.
Il a freiné la corruption dans les agences gouvernementales avec le lourd mandat donné à l’IGF (inspection générale des finances), Il a mis en place la gratuité de l’enseignement. Et plein d’autres programmes.
L’opinion sur sa gouvernance est assez partagée. Il a été loué par certains et vilipendé par d’autres. Mais c’est ce que fait la politique.
Tshisekedi a rencontré une résistance dans les politiques étrangères, la diplomatie et les stratégies de résolution des conflits, mais a émergé avec brio dans d’autres domaines.
Peut-être que si on lui accordait plus de temps, il pourrait prouver que son approche tactique pour mettre fin aux conflits armés est la meilleure.
Mais jusqu’à présent, je pense qu’il doit réévaluer sa vision et sa compréhension des enjeux géopolitiques régionaux.
Plus tôt ce conflit se terminera, mieux ce sera pour la RDC, car le nombre d’armées étrangères sur son territoire signifie qu’elles le paient d’une manière ou d’une autre. Jamais dans l’histoire de l’humanité une armée ne s’est déplacée pour sauver ou envahir une terre par ennui, il y a toujours des intérêts en jeu.
Et dans le cas congolais, le pays et son peuple sont taxés pour occupation.
C’est une guerre des minerais et les enjeux financiers sont importants. Le président en est conscient, peut-être a-t-il besoin de plus de temps pour élaborer un plan de paix plus durable.
Mais a-t-il le temps ? Son mandat touche à sa fin. Et quatre ans plus tard, il règne une atmosphère de déception palpable.
Il serait injuste et inconcevable d’attendre du président qu’il accomplisse des progrès significatifs, comme par enchantement.
Il n’y a pas de formule magique pour régler les problèmes de la RDC. Il s’agit d’un problème régional avec un impact mondial.
Tshisekedi n’a pas encore joué sa dernière carte. Parce qu’il lui en reste une. L’as de pique, sa base, Et les alliances politiques. Ces regroupements pourraient réussir à le maintenir à la présidence pour un second mandat. La question à se poser est peut-il utiliser le temps supplémentaire pour réussir là où plusieurs ont échoué ?
Seul l’avenir nous le dira.